(Sur la piste d'Antony 92 on répète inlassablement les gammes)
Dans cette ultime ligne droite qui mène au Stade de France pour la demi-finale des Jeux paralympiques, Vincent Clarico le coach et Charles-Antoine Kouakou le champion en titre avancent de concert.
Pas une chose facile pour un entraîneur de ce niveau qui a eu les équipes de France de relais à diriger, athlète de haut niveau avec une demi-finale à Atlanta, entraîneur à Antony 92, qui a également sa vie familiale à gérer que de se donner à 100% et même un peu plus avec son athlète.
A Tokyo, ce magicien avait bénéficié du report des Jeux d'une année pour raison de COVID. Une année de doutes pour beaucoup dans l'expectative. Une année de travail pour Vincent qui a fait d'un illustre outsider un champion paralympique d'une grandeur d'âme remarquable. CAK a été mis dans les meilleures conditions possibles, protégé par son entraîneur, rassuré lors de sa demi-finale de vieux briscard et une finale somptueuse face à des adversaires, peut-être plus forts pour certains, mais qui ont déposé les armes dans la dernière ligne droite.
Si la médaille d'or revient à CAK, quel pourcentage pourrait revenir à son entraîneur et au staff de la FFSA ?
Hasard, chance, coup de bluff ? La pertinence des choix de Vincent ont donné lieu à ce titre, le premier de l'histoire du sport adapté.
Depuis 2021, le tandem est reparti pour de nouvelles aventures programmées depuis longtemps vers le 2 septembre. Pour beaucoup, le champion en titre est favori avec la certitude liée à un palmarès. Les pronostics vont bon train. Nous reviendrons sur les forces en présence qui ne sont pas l'objet de cet article.
Le tandem est une alliance de forces avec cet athlète certes à haut potentiel physique mais au mental non pas friable mais lié à une déficience mentale importante. CAK a besoin de repères, de chaleur humaine, de partage, d'humanité. Même son QI, inférieur à 65, n'autorise pas une projection intellectuelle. Mettre du sens dans son sport est chose primordiale. Vincent a tout compris. Il a laissé son formatage de coach de haut niveau en faisant preuve de patience sur une longue durée. Appliquer un temps de passage aux 250 mètres au dixième est chose impossible.
L'entraîneur doit composer, filtrer les choses indispensables. Tout passe par le contact. Il a choisi de marcher (enfin de rouler avec son VTT) aux côtés de son athlète en s'infusant les séances dures avec sa voix et son chrono qui sert de repère à l'un et à l'autre. Son intelligence vient de son sentiment de quiétude, de force et du cadre fixé qui rassure CAK. Vincent est sécurisant, CAK peut être entreprenant. Il y a un mimétisme entre les deux hommes, une fusion. Un respect profond qui impose à Vincent des obligations qui dépassent largement le cadre de l'entraîneur. Vincent assume, par respect pour son poulain.
Tous deux à l'INSEP, les deux compères travaillent avec la confiance chevillée au corps et à l'esprit.
Il y aura peut-être une médaille, un podium à la sortie ou rien du tout. C'est la loi du sport. Mais une chose est certaine, cette aventure humaine étalée sur deux olympiades aura scellé à vie ce don de soi poussé à son paroxysme. Être sur la même longueur d'onde est un enrichissement qui n'est pas du tout suspendu au résultat. Une expérience fabuleuse;
Pascal Pioppi